Solidnames a étudié presque 500 rachats de noms de domaine déposés dans les nouvelles extensions internet (« nTLDs ») réalisés ces dix dernières années.
Il y a 10 ans, les premières nouvelles extensions internet ont commencé à s’ouvrir progressivement à tous. A l’aube d’un second programme de « New gTLD » à venir en 2026, nous avons voulu observer le second marché des noms de domaine enregistrés dans ces nouvelles extensions.
Dans cette étude (*), nous verrons :
- Quels sont les noms de domaine les plus chers parmi les « nTLDs » ?
- Dans quelles extensions il y a le plus de rachats ?
- Quel types de noms de domaine se rachètent le plus ?
- Quelles sont les années les plus propices aux rachats de noms de domaine ?
- Comment sont utilisés les noms de domaine rachetés ?
Pour cela, nous avons utilisé la liste annuelle des rachats publics publiée par DNJournal.com. Chaque année, ce site établit un top 100 des transactions en .COM, un autre top 100 des extensions pays et un dernier pour les autres extensions dont les « nTLDs ». Le montant des rachats est donc forcément surévalué par rapport à une moyenne générale car il s’agit des ventes les plus onéreuses.
Quels sont les rachats de noms de domaine les plus importants parmi les « New gTLDs » ?
Les 465 rachats retenus ont généré plus de 16,3 millions de dollars américains en 10 ans.
Trois transactions dépassent les 500 000 dollars : Online.casino, Vacation.rentals et Home.loans. Six rachats sont entre 200 000 $ et 500 000 $ (ex : shop.app à 200 000 $).
20 ventes se situent entre 100 000 $ et 200 000 $. 44 cessions se sont réalisées entre 50 000 $ et 100 000 $ ; 61 entre 30 000 $ et 50 000 $.
La majorité des rachats (59 %) a eu lieu entre 10 000 $ et 30 000 $ avec 275 ventes.
Enfin, 55 opérations se sont réalisées à moins de 10 000 $. Le montant le plus bas des listes étudiées est de 7 500 $.
Les « nTLDs » avec le plus grand nombre de rachats de noms de domaine
Notre classement 2024 des extensions millionnaires a notamment consacré le nombre record de noms de domaine déposés dans les « New gTLDs ». Il existe désormais plus de 40 millions de noms de domaine déposés dans les nouvelles extensions internet.
Le « nTLD » qui compte le plus de noms de domaine déposés est le .XYZ (4,2 millions de noms de domaine, 10 % de part de marché).
Dans ces conditions, il est logique de retrouver le .XYZ comme l’extension internet comptant le plus de ventes publiques. Le « nTLD » concentre 134 rachats, soit 29 % des transactions étudiées.
Les autres « nTLDs » sont beaucoup plus loin derrière avec 34 ventes pour le .CLUB ou 25 pour le .GLOBAL. Certains de ces « New gTLDs » ont d’ailleurs organisé eux-mêmes des enchères pour céder leurs noms de domaine « premiums ». Plusieurs transactions peuvent paraître fallacieuses comme nous le verrons plus tard dans la partie usage associée à ces rachats de noms de domaine.
25 % des opérations ont été réalisées dans des nouvelles extensions internet réunissant entre 3 et 9 ventes (ex : ..CHAT, .LIFE, .ONLINE, .SHOP, .TECH…).
Plusieurs « nTLDs » n’ont connu que deux ventes comme le .DIGITAL, .PHOTO, .STORE.
Il faut rappeler que parmi les nouvelles extensions internet, il y a plusieurs sous-catégories.
Une est dédiée aux .MARQUES. Il n’y a pas eu vente pour les « Brand TLDs » qui ne sont par nature réservés qu’aux entreprises qui ont créé leurs .MARQUES.
Il y a donc aussi les extensions génériques que nous étudions mais aussi des « geoTLDs ». Associés à un territoire, quelques « geoTLDs » ont réalisé des ventes ponctuelles comme les .BERLIN, .NYC (New-York) ou .MIAMI ainsi que (cocorico) le .PARIS. Le nom de domaine <eth.paris> aurait ainsi changé de main contre 50 000 $.
Des noms de domaine courts et signifiants principalement rachetés dans les nouvelles extensions internet
Les experts en « domaining » soulignent souvent qu’un nom de domaine court et donc plus facilement mémorisable a plus de valeur qu’un nom lambda.
Cette « règle » des investisseurs en noms de domaine semble être confortée par notre étude des plus importants rachats de noms de domaine parmi les « nTLDs » des 10 dernières années.
Notre analyse porte sur le label, soit la chaîne de caractères avant le point délimitant l’extension internet.
Ainsi, plus de 51 % des ventes consacrent des labels d’un maximum de quatre caractères. Parmi cette majorité de noms très courts, il y a même 32 noms d’un caractère et 75 de deux caractères.
Parmi ces noms de domaine courts, certains sont d’ailleurs constitués uniquement de chiffres. Il y en a 27 (ex : <0.vip>), soit 7 %.
Certains termes reviennent dans plusieurs transactions dans des « nTLDs ». Le mot ETH (sigle d’Ethereum) revient ainsi sept fois (ex : .BLACK, .CEO, .WEBSITE…).
Les termes suivants sont apparus dans trois transactions : Bitcoin, Creator, Eclipse, Energy, G, Go, M, My, Pay, Smart. De nombreux autres mots reviennent au moins deux fois dans des « nTLDs » différents comme Shop, Simple, Wallet, Web ou World.
Les rachats de noms de domaine enregistrés parmi les « nTLDs » depuis 10 ans
Depuis 10 ans, le nombre de transactions parmi les nouvelles extensions internet d’ailleurs est assez inégal.
Les deux premières années sont logiquement faibles. Par la suite, l’année 2016 a connu un léger pic avant trois nouvelles années avec moins de quarante rachats.
A partir de 2020, le seuil des quarante ventes annuelles a été systématiquement dépassé.
Le record de transactions a eu lieu en 2022 avec 77 ventes. 2023 est la seconde meilleure année avec 52 opérations. Enfin, 2024 sera un très bon cru. Il dépasse déjà 2023 et l’année n’est pas finie.
Que deviennent les noms de domaine rachetés parmi les nouvelles extensions internet ?
Quand un acheteur débourse plusieurs milliers, voire des dizaines de milliers de dollars pour acquérir un nom de domaine, il est attendu qu’il l’utilise.
Presque 32 % des noms de domaine rachetés ces dix dernières années ont ainsi logiquement un site internet.
De nombreux sites actifs autour des « NFTs »
Parmi ces site actifs, le secteur de la « blockchain », des « NFTs » et du Web 3 est fortement représenté. Ainsi, 22 % des sites actifs concerne ce secteur d’activité (ex : affinity.xyz, bc.xyz, bitcoin.casino, blockchain.ventures, coin.news…).
De manière générale, la finance est aussi présente et pas seulement dans les cryptomonnaies. L’univers des jeux vidéo est aussi bien représenté.
L’intelligence artificielle a aussi des sites actifs parmi les « New gTLDs » comme create.xyz (95 868 $) ou data.world (10 000 $).
Dans le reste des sites actifs, il y a un petit peu de tout comme :
- c.live (28 500 $) : une application de live-streaming.
- vacation.rentals (500 300 $) : un site de location de vacances.
- casino.online (201 250 $) et la version inversée online.casino (510 000 $) pour des jeux d’argent.
- blade.shop (10 000 $) pour des machines à bière.
- simple.life (20 000 $) : une application pour perdre du poids.
- disability.law (12 500 $) pour des avocats spécialisés.
- hookup.app (45 000 $) ou singles.club (8 100 $) pour des sites de rencontres.
- mv.health(9 000 $) : vente de sex-toys.
- aura.life (8 500 $) pour l’organisation d’obsèques.
- celebration.church (18 000 $) exploité par un pasteur.
Concernant la messagerie électronique associée aux noms de domaine rachetés, 76 % de l’ensemble des noms de domaine étudiés n’ont pas configuré de mails. L’usage mail semble encore plus faible que l’usage web.
Des noms de domaine rachetés en « nTLDs » pour rediriger vers un site déposé dans une extension générique
D’après notre audit, 8 % des noms de domaine étudiés redirigent vers un site déposé dans une extension classique, notamment le .COM.
Ainsi, Ledger, la start-up française qui conçoit et commercialise des portefeuilles de crypto-monnaies physiques destinés aux particuliers et aux entreprises, a racheté wallet.live contre 7 500 $. Elle le redirige vers son site internet ledger.com.
Coffee.coffee (14 500 $) redirige lui vers ecoffee.com, un site de vente de machines à cafés.
Autre exemple avec BroadwayTickets.nyc (25 000 $) dont la redirection nous emmène vers broadway.org.
Parmi ces noms de domaine redirigés, il y a parfois l’achat d’un nom de domaine dans un « nTLD » compris dans l’adresse en .COM.
C’est notamment le cas pour :
- English.club (17 500 $) vers englishclub.com, un site pour apprendre l’anglais.
- Joy.club (10 000 $) vers joyclub.com, un site de rencontres.
- Lk.global (12 000 $) vers lkglobal.com, un cabinet juridique spécialisé en propriété intellectuelle.
Une majorité de noms de domaine rachetés… inexploités
Les observateurs sceptiques face aux nouvelles extensions internet vont être servis.
En effet, presque un tiers des noms de domaine rachetés ces dix dernières années ne mènent à rien. C’est à dire que le site est introuvable (ex : bull.xyz à 199 888 $) ou aboutit sur une belle page blanche.
Certains noms inactifs sont d’ailleurs détenus par de grandes marques. Apple a ainsi racheté Apple.global contre 10 000 $… pour ne rien en faire à part le renouveler chez son registrar MarkMonitor depuis bientôt 10 ans.
La compagnie de croisières Viking River Cruises a ainsi racheté les noms de domaine Baltic.cruises (25 000 $) et Ocean.cruises (9 900 $) en 2014. Depuis, ils sont en gestion chez leur registrar CSC Corporate Domains et affichent une page blanche.
D’autres noms de domaine inutilisés font aussi la promotion de leur bureau d’enregistrement de noms de domaine (4 %).
400 000 $ pour racheter le nom de domaine Betting.online et faire la promotion de son « registrar » Safenames, ce n’est pas donné.
Une dizaine de sites sont en construction. Espérons que leur futur usage sera conforme et ne les mènera pas à être suspendu comme Hosting-Cloud.blog racheté 30 000 $ tout de même.
Le mythe de la revente spectaculaire de noms de domaine
Si plusieurs noms de domaine (4 %) affichent une page parking (page avec des liens commerciaux publicitaires), beaucoup (12 %) sont clairement listés à la revente.
Imaginez ! L’acquéreur du nom de domaine The.club pour 19 000 $ en 2015, l’aurait revendu 300 000 $ en 2018 !
Cette belle histoire (à vérifier) est l’exception qui met à l’épreuve à la règle. En effet, la règle est que beaucoup de personnes ont investi des sommes conséquentes en espérant des reventes dignes du loto. En attendant, ils attendent l’acheteur imaginaire fortuné, pour ne pas dire le pigeon.
L’acheteur de A.company (22 000 $) et E.company (25 105 $) propose chacun de ces noms de domaine pour la coquette somme de 1 230 000 $.
Free.bet (20 500 $) ou Play.xyz (17 770 $) espèrent aussi faire une belle culbute en les proposant respectivement à la vente au prix fixe de 248 888 $ et 300 000 $.
Ils feraient presque passer Cannabis.city (racheté 12 000 $ et désormais proposé à 50 000 $) ou We.link (11 000 $ pour 60 000 $) pour des investisseurs aux ambitions modestes.
Pour David Chelly, spécialiste des noms de domaine, « Il y a des ventes bidons, des gens qui rêvent. Les prix farfelus indiqués à la revente ne seront jamais atteints.
L’échantillon de DNJournal ne concerne que les plus grosses transactions. Il y a beaucoup plus de ventes que cela qui ne sont pas publiées. Elles sont un peu à tous les montants, souvent à des prix plus raisonnables ».
Des noms rachetés des milliers de dollars désormais libres
Parmi les noms étudiés rachetés, 3 % sont désormais libres… Par exemple, ADO.tech racheté 10 000 $ en 2018 est retombé dans le domaine public. Il est désormais disponible à l’achat, avec un prix premium d’ailleurs. Idem pour AirConditioning.online (19 990 $), Meet.club (12 500 $) ou Wedding.global (8 100 $).
Autres cas particuliers, des noms de domaine rachetés ont été abandonnés, puis redéposés, avant d’être à nouveau listés à la vente.
C’est notamment le cas pour Dubai.app racheté 10 000 $ en 2019, redéposé en 2024 suite à son expiration et proposé maintenant à la vente 99 888 $. C’est la même chose pour Sherpa.group. Il a ainsi été racheté 14 280 $ en 2017 et redéposé en 2020 suite à son abandon. Il est désormais proposé à la vente 20 000 $.
Si les nouveaux acquéreurs espèrent une revente à un prix plus élevé que le rachat initial, d’autres titulaires sont moins gourmands.
Ainsi, CBD.world racheté 20 000 $ en 2019, réenregistré en 2024 suite à son non-renouvellement est listé à la vente à 5 300 $. C’est aussi le cas de Hey.money vendu 8 888 $ en 2019. Il a ainsi été à nouveau déposé en 2023 suite à sa suppression. Il est désormais accessible à la vente au prix fixe de 6 999 $.
La réalité du second marché pour les noms de domaine déposés dans les « nTLDs »
La part importante des noms inutilisés est à pondérer sur la longue période étudiée de 10 ans. En une décennie, beaucoup de choses peuvent changer et des projets peuvent être abandonnés.
Néanmoins, la suspicion sur la réalité de certaines transactions peut se comprendre. De plus, les flux financiers générés durant ces ventes permettent de justifier d’une source de revenus à ceux qui les perçoivent.
Malgré ce côté obscur, il existe de nombreux sites actifs parmi les nouvelles extensions internet. Les « nTLDs » ne se sont jamais aussi bien portés d’un point de vue statistique depuis 10 ans. L’arrivée d’un nouveau round de « New gTLDs » en 2026 va encore accroître le nombre de possibilités d’enregistrements de noms de domaine, et peut-être de rachats !
En conclusion, il existe une second marché pour les noms de domaine déposés dans les « nTLDs ». Il est certes entaché de transactions surement fallacieuses mais sa réalité n’est pas remise en cause. Le second marché des noms de domaine enregistrés dans les « nTLDs » représente 15 % des ventes les plus importantes répertoriées par DNJournal.com sur les dix dernières années.
(*) Étude menée sur les plus importantes transactions publiques annuelles dévoilées par DNJournal.com entre le 01/01/2014 et le 15/10/2024.
DNJournal.com a compilé notamment les rachats issus de : Afilias, Afternic, Dan, DNGear, Dyandot, .Global Registry, GoDaddy, Jiangsu Bangning, NameJet, Radix, Rightside, Sedo, Uniregistry, West.cn…
L’audit de l’usage des noms de domaine étudiés a été effectué par Solidnames le 27 octobre 2024.
Solidnames n’a pas étudié le type d’acheteur des noms de domaine ; la majorité des données whois liées aux titulaires est protégée via des whois confidentiels et ne permet pas une analyse pertinente.