La France est le deuxième pays le plus actif au monde contre le cybersquatting de noms de domaine d’après le bilan annuel 2024 publié par l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
En 2024, les titulaires de marques de 133 pays ont déposé 6 168 plaintes en vertu de la politique uniforme de règlement des litiges relatifs aux noms de domaine (UDRP) et des variantes nationales des extensions pays (« ccTLD »).
Ce chiffre en retrait par rapport au bilan du cybersquatting en 2023 (6 192 plaintes) reste stable.
2024 est la deuxième année la plus chargée en matière de litiges relatifs aux noms de domaine auprès de l’OMPI depuis 1999, année où l’OMPI a créé l’UDRP.
Nombre de plaintes UDRP à l’OMPI par année. Souce : https://www.wipo.int/
D’après l’OMPI, ces statistiques soulignent « l’importance continue des noms de domaine dans le paysage mondial de la propriété intellectuelle et du commerce électronique ». Ainsi, « ces chiffres élevés démontrent la pertinence et l’efficacité continues de l’UDRP dans la lutte contre le cybersquatting et les activités frauduleuses impliquant des noms de domaine (par exemple, le phishing ou les fausses factures) ».
Comme chaque année, les litiges déposés couvrent presque tous les secteurs d’activité. Les principaux secteurs représentés sont notamment la vente au détail, la banque et la finance, la biotechnologie et les produits pharmaceutiques, Internet et l’informatique ainsi que la mode.
Pour l’OMPI, « cela reflète l’impact considérable des litiges relatifs aux noms de domaine sur divers secteurs de l’économie ».
La France, 2ième pays le plus actif contre le cybersquatting
Les États-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni continuent d’être les principaux pays déposant les dossiers. Les sociétés étasuniennes ont déposé 2 157 plaintes en 2024, suivi de la France avec 1 324 dossiers. Le Royaume-Uni est beaucoup plus loin avec trois fois moins de plaintes que la France.
Le trio de tête est complété par la Suisse, l’Allemagne et la Suède.
L’OMPI cite parmi les principaux plaignants Fenix International (OnlyFans), LEGO, Meta Platforms (Facebook, Instagram, WhatsApp) ou le cigarettier Philip Morris.
Les sociétés françaises sont aussi présentes dans le top 10. Carrefour, Sanofi, Sodexo ou Michelin font partie des sociétés immatriculées en France les plus actives contre le cybersquatting.
Ces sociétés sont historiquement très présentes dans la lutte contre le cybersquatting, cf notre précédent article.
Dans la décision D2024-1707, Michelin a remporté une importante victoire contre 138 noms de domaine litigieux. Bien qu’ils soient détenus par 17 titulaires différents, Michelin a prouvé qu’il y avait suffisamment de points communs (même contenu du site web, mêmes fausses coordonnées…) pour démontrer que les noms de domaine étaient au moins sous contrôle commun.
Cabinets juridiques et bureaux d’enregistrements défendent la France contre le cybersquatting
Parmi les 10 principaux représentants de plaignants, il y a plusieurs bureaux d’enregistrement internationaux spécialisés dans la défense de la marque (« Brand Protection » ). L’OMPI signale ainsi l’activité de ABION, CSC Digital Brand Services (représentant de LEGO) ou SafeNames par exemple.
Il y aussi des « registrars » français parmi ses représentants juridiques des marques comme IP Twins ou Nameshield.
Des Conseils en Propriété Industrielle (CPI) français sont aussi présents comme Aeropage ou Dreyfus & associés.
Dans ce marché de la représentation juridique des marques en « UDRP », nous pouvons également citer l’activité significative en France de Coblence Avocats, Fidal, Germain Maureau, In Concreto, Lynde et Associés, MIIP – Made In IP, Plasseraud IP ou Scan Avocats.
Peu de cybersquatteurs résidents en France
Si la France a attaqué dans 1 324 dossiers, elle ne s’est retrouvée de l’autre côté de la barrière que dans 353 plaintes.
Les États-Unis est le pays qui compte le plus de présumés cybersquatteurs (1 814 décisions). Les autres pays sont la Chine (831), la France, l’Inde (253) et le Royaume-Uni (252).
Les litiges relatifs aux noms de domaine de l’OMPI ont été traités en 18 langues. Il faut noter que l’anglais est largement majoritaire (91 %). Le français est cependant la seconde langue utilisée (3 %). Il y a ensuite l’espagnol (2,3 %), le chinois (0,9 %), le portugais, le suédois, l’allemand, le néerlandais, le turc et l’ukrainien qui figurent dans les 10 principales langues.
85 extensions pays proposent des services de règlement de litiges via l’OMPI
En 2024, le Centre de l’OMPI a commencé à accepter des affaires pour des nouvelles extensions pays.
Parmi ces pays, il y a notamment le .AD (Andorre), .CV (Cap-Vert), .LV (Lettonie) et .RW (Rwanda). Par ailleurs, l’OMPI a reçu ses premiers dépôts et sa première décision pour le .SN (Sénégal). Le Centre de l’OMPI fournit désormais des services de règlement des litiges à plus de 85 « ccTLDs ».
Extensions pays couvertes par la procédure UDRP ou une variation en 2024 auprès de l’OMPI. Souce : https://www.wipo.int/
Explosion du nombre de litiges rendus en .AI (Intelligence Artificielle)
En 2024, le Centre de l’OMPI a constaté une augmentation des dépôts de litiges relatifs aux noms de domaine pour le « ccTLD » de .AI (Anguilla).
Boosté par la démocratisation de l’intelligence artificielle, le .AI a le vent en poupe. Plus de 80 litiges ont été rendus pour des noms de domaine en .AI.
Une affaire a ciblé la célèbre marque du logiciel de gestion SAP (DAI2024-0053 <sap.ai>).
Ce nom de domaine a appartenu auparavant à SAP de 2017 à 2023. Cependant, il a expiré par inadvertance, date à laquelle il a été acquis par un nouveau titulaire. Arguant que le nom de domaine avait une valeur générique substantielle indépendamment du plaignant et soulignant la popularité croissante des noms de domaine et des acronymes .AI, le titulaire a affirmé qu’il ne ciblait pas SAP. Néanmoins, le Panel OMPI a estimé que toutes les circonstances de l’affaire indiquent que le défendeur était clairement au courant et ciblait le plaignant et sa célèbre marque SAP dans le ccTLD .AI.
Le .AI est désormais le deuxième pays à compter le plus de dépôts de dossiers de noms de domaine. Il est seulement précédé de la .CO (Colombie), une autre extension présentée comme une alternative au .COM. Il y a ensuite les : .CC (Îles Cocos), .ES (Espagne), .CN (Chine), .NL (Royaume des Pays-Bas), .SE (Suède), .IO (Territoire britannique de l’océan Indien), .BR (Brésil) et .EU (Union européenne).
Extensions pays avec le plus de litiges en 2024 auprès de l’OMPI. Souce : https://www.wipo.int/
En 2024, le nombre de plaintes « UDRP » gérés par l’OMPI contre le cybersquatting de noms de domaine a été stable. La France reste très active pour faire cesser des abus via cette procédure de résolution de litige. Une procédure UDRP qui a fêté ses 25 ans l’année dernière.