Parmi les « New gTLDs » lancés il y a 10 ans, une catégorie spécifique d’extensions internet s’est présentée avec le « Brand TLD ». Découvrez comment les entreprises utilisent ou non les noms de domaine déposés dans leurs propres extensions internet.
Aussi appelé « dotBRANDs » ou .MARQUE, le « Brand TLD » est ainsi défini par l’Afnic dans sa dernière étude sur le marché des noms de domaine dans le monde :
« Extensions correspondant en général à des marques phares, déposées par des structures privées pour des usages internes ou étendus à leurs clients et partenaires ».
En 2012, plusieurs centaines de grandes marques ont demandé à l’ICANN de créer leurs « Brand TLDs ». Depuis, cette fenêtre de tir s’est refermée et sera rouverte en 2026, 14 ans après le premier round d’ouverture des « nTLDs ».
Ce second round de « New gTLDs » est très attendu par les professionnels des noms de domaine notamment dans la catégorie des « dot-brands ». Néanmoins, il est intéressant d’examiner l’usage réel des très nombreux premiers .MARQUES et d’apprendre ainsi de leurs retours d’expériences.
Combien de « Brand TLD » existent ?
Pour cela, Solidnames a étudié (*) le nombre de noms de domaine déposés dans chaque « Brand TLD ». Si la seule donnée statistique ne dit pas tout de l’usage réel d’une extension internet, cela reste un indice important.
Les données statistiques ont ainsi été collectées sur le site internet référence ntldstats.com. Les extensions sélectionnées sont celles qualifiées comme « Brand TLD » par ntldstats.com. Cependant, nous avons exclu les extensions de cette catégorie qui sont ouvertes à tous comme le .PAGE de Google. De plus, l’étude porte uniquement sur les « dotBRANDs » fermés. Ainsi, un .BRAND ouvert comme celui de l’hébergeur français OVH et ses 75 000 noms de domaine en .OVH n’a pas été comptabilisé.
Dans ces conditions, 465 .MARQUES ont été étudiées. Ce nombre est moins important que celui relevé par l’AFNIC (519 en 2023 contre 594 en 2019, nous y reviendrons dans les « dot Brands » abandonnés). Cependant, il est plus élevé que celui identifié par un autre site de référence des noms de domaine domainincite.com qui en dénombre 375 en 2024.
Huit .MARQUES à plus de 500 noms de domaine déposés
Parmi les « Brand TLDs » étudiés par Solidnames, huit extensions internet dépassent les 500 noms de domaine enregistrés. Cela représente un peu plus de 1% de l’ensemble des .MARQUES.
Le « Brand TLD» comptant le plus de noms de domaine déposés est allemand. Il s’agit du .DVAG. Détenu par la société de gestion en patrimoine Deutsche Vermögensberatung, elle totalise presque 7 000 noms de domaine. L’entreprise propose à chacun de ses conseillers financiers un nom de domaine en .DVAG sur la base du prénom-nom.dvag.
De plus, Deutsche Vermögensberatung opère également un autre « dotBRAND » .ALLFINANZ avec presque 1 500 noms de domaine.
Toujours en Allemagne, Audi (2ième « Brand TLD » en volume) dénombre 1 700 noms de domaine en .AUDI. La marque automobile les propose à ces concessionnaires officiels.
La performance de ces .MARQUES allemands n’étonnera pas les spécialistes des noms de domaine. Il faut rappeler que l’Allemagne a une forte appétence pour les noms de domaine. Dans notre dernier classement des extensions, le .DE est la première extension pays européenne en volume de dépôts. Cette extensions pays (« ccTLD ») a plus de 17 millions de noms de domaine déposés.
Les .MMA et .LECLERC français dans le top 5 mondial des « Brand TLDs »
En 3ième et 5ième position, il y a deux entreprises françaises avec le .MMA (1 600 noms de domaine) et le .LECLERC (1 150).
Le groupe d’assurance mutuelle française, anciennement nommé Les Mutuelles du Mans Assurances (soit MMA), a déposé initialement sa candidature pour combattre un potentiel autre .MMA. En effet, les arts martiaux mixtes, souvent désignés par le sigle anglais MMA pour « Mixed Martial Arts » a eu des partisans comme de nombreux autres « nTLDs » sportifs.
Désormais, l’assureur mutualiste a enregistré des noms de communes en .MMA qu’il redirige vers l’agence locale (ex : la-ciotat.mma vers agence.mma.fr/la-ciotat/).
L’enseigne de grande distribution française a aussi ce système de nommage avec le nom de villes redirigeant vers la page du magasin sur son site phare en e.leclerc (ex : pessac.leclerc vers e.leclerc/mag/e-leclerc-pessac).
De plus, l’Association des Centres Distributeurs E.Leclerc a décliné de nombreux autres sites en .LECLERC comme drive.leclerc, location.leclerc, parapharmacie.leclerc, ect…
Parmi les autres « dotBRANDs » à plus de 500 noms de domaine, il y a le constructeur automobile espagnol Seat (filiale du groupe allemand Volkswagen) avec le .SEAT et ses plus de 700 noms de domaine.
Il y a également l’entreprise américaine technologique Neustar accessible via home.neustar.
Enfin, le .CRS appartient à la coopérative canadienne « Federated Co-operatives Limited ». Elle utilise aussi ses noms de domaine en .CRS avec des noms de collectivités géographiques locales pour désigner le magasin présent sur le territoire.
7 % des « Brand TLDs » compte entre 100 et 499 noms de domaine
36 .MARQUES se situent avec un nombre de noms de domaine entre 100 et 499 ; une statistique honorable.
Google, acteur historique important du programme « New gTLD » a presque 200 noms de domaine en .GOOGLE. Par exemple, il redirige par exemple gemini.google (nom de son intelligence artificielle) vers https://gemini.google.com. De plus, il utilise également des noms de domaine en .GOOGLE comme pixel.google ou tv.google.
Dans cette catégorie, Saint-Gobain Weber compte plus d’une centaine de noms de domaine en .WEBER (164). L’entreprise française spécialisée dans la production, la transformation et distribution de matériaux les utilise notamment pour donner accès à des noms de domaine spécifiques par pays (ex : https://www.fr.weber/ pour la France).
L’entreprise pharmaceutique américaine « Abbott Laboratories » (393 noms de domaine) a le même fonctionnement avec fr.abbott comme adresse de son site internet en France.
Dans le secteur bancaire, la banque commerciale française BNP Paribas est souvent citée comme un exemple dans l’usage des noms de domaine en .MARQUE. La société compte 272 noms de domaine en .BNPPARIBAS comme celui de sa banque accessible via mabanque.bnpparibas.
La banque britannique Barclays a elle 136 noms de domaine en .BARCLAYS dont le home.barclays.
Au sein du secteur automobile, Toyota (138 noms de domaine) a opté pour global.toyota pour son site institutionnel.
Certifier son réseau de distribution avec un nom de domaine déposé dans son « Brand TLD »
D’autres marques automobiles ont appliqué la politique de Audi pour valoriser son réseau de distribution. C’est notamment le cas de Lamborghini (245 noms domaine) utilisant par exemple johannesburg.lamborghini pour le rediriger vers la page de son concessionnaire dans cette ville d’Afrique du Sud sur son site resté en .COM.
BMW (132 noms de domaine) fait la même chose en Allemagne mais renvoi vers un vrai site en .BMW (ex : ratzel.bmw). Idem pour .MINI (191 noms de domaine) toujours en Allemagne avec muenchen.mini par exemple.
Toujours dans la catégorie des véhicules, MAN Truck & Bus SE a déposé le nom de réseaux sociaux dans ses noms de domaine en .MAN. Ainsi, il les fait rediriger vers la page adéquate (ex : youtube.man pointe vers la chaîne YouTube de la marque).
Parmi les autres acteurs importants du premier programme des « nTLDs », il y a Amazon. L’entreprise utilise plusieurs de ses .MARQUES pour des sites produits (ex : https://calculator.aws – 126 noms de domaine) ou smallbusiness.amazon (122).
Autre cas particulier avec Total. La multinationale d’origine française de production et de fourniture d’hydrocarbures et d’autres sources d’énergies dépasse les 100 noms de domaine enregistrés mais sans usage particulier détecté. Il est vrai qu’en 2021, Total est devenu TotalEnergies. Ce « rebranding » freine sûrement l’utilisation de son .MARQUE.
Quelques usages de « Brand TLDs » entre 10 et 99 noms de domaine
7 % de « dot Brands » se situent entre 50 et 99 noms de domaine. Parmi eux, il y a le géant Microsoft (91 noms de domaine). La société a notamment lancé le site cloud.microsoft en 2023 pour ses différents produits SaaS.
Parmi les entreprises françaises, la Société Nationale des Chemins de Fer (SNCF) a donné son heure de gloire au « Brand TLD » avec oui.sncf lancé fin 2017. En effet, voyages-sncf.com est devenu oui.sncf à cette période. Ce nom de domaine en .MARQUE a bénéficié d’un visibilité maximale à grands renforts de publicité. Néanmoins, la plateforme de réservation de la SNCF a de nouveau changé de nom début 2022. A ce titre, elle a troqué son oui.sncf pour un bon vieux .COM avec sncf-connect.com.
Cependant, l’entreprise détient encore une soixante de noms de domaine en .SNCF comme wifi.sncf pour les habitués du train.
L’assureur français AXA compte un peu plus de noms de domaine en .AXA (70) mais sans réel usage à part quelques mini sites comme climate.axa.
Entre 10 et 49 noms de domaine, il y a 95 .MARQUES (20 % du total). Le faible nombre d’enregistrements peut aussi se justifier par le fait qu’un .MARQUE est un territoire numérique privé. Parfois, quelques dizaines de noms de domaine sont suffisants.
Dans cette catégorie, il y a notamment le fleuriste Aquarelle.com (49 noms de domaine). Il propose des sites dédiés pour ses chocolats (ex : chocolats.aquarelle) ou ses bougies parfumées (ex : bougies-parfumees.aquarelle).
SCHMIDT GROUPE a lui notamment basculé deux de ses sites dans ses « Brand TLDs » comme home-design.schmidt (34 noms de domaine en .SCHMIDT) ou ma.cuisinella (13 noms de domaine en .CUISINELLA).
Parmi les .MARQUES français, il y a 29 noms de domaine en .CLUDMED dont un magazine (lemagazine.clubmed). SANOFI en compte 19 comme pour campus.sanofi.
Un autre acteur important du marché des noms de domaine, GoDaddy a enregistré 36 noms de domaine dans son « Brand TLD ». Il en utilise quelques-uns pour son activité de registre (ex : registry.godaddy) ou pour ses offres d’emploi (ex : careers.godaddy).
Quand des noms de domaine en .MARQUES redirigent des .COM
Plusieurs sociétés importantes utilisent certains de leurs noms de domaine déposés dans leurs « dot Brands » pour les rediriger vers leur site historique.
C’est par exemple le cas de Airbus (47 noms de domaine) . Il pointe careers.airbus vers sa page emploi. C’est aussi le cas d’Apple (46 noms de domaine) qui redirige applemusic.apple vers https://www.apple.com/apple-music/
Bostik (37 noms de domaine) fait de même pour glue.bostik. Il faut rappeler que Bostik est une société française qui crée, fabrique et commercialise des colles pour la construction, l’industrie et le grand public. Si Bostik fait partie du groupe Arkema, l’entreprise a auparavant fait partie de Total (cf ci-dessus).
Enfin, la chaîne de télévision Arte utilise aussi plusieurs noms de domaine (13) de son « Brand TLD » pour des redirections comme so.arte.
62 % des .MARQUES comptent moins de 10 noms de domaine enregistrés
Est-ce qu’un « Brand TLD » qui ne compte même pas 10 noms de domaine déposés peut être considéré comme utilisé ?
Il y a 124 « dotBRANDs » totalisant seulement entre 2 et 10 noms de domaine. Dans ce segment, il y a quelques français comme : Alstom (9 dont un site actif avec customerportal.alstom), Orange (8), SFR (7), Hermès (7), Lancaster (7), Maif (7) ou Chanel (5).
De grandes marques internationales sont aussi présentes comme IBM, Jaguar, Lego, Mattel, Nike, Nissan, Nokia, Samsung, UPS, Volvo, Yahoo, Zara…
Enfin, 36 % des .MARQUES n’ont qu’un seul petit nom de domaine enregistré ; celui qui est imposé par l’ICANN d’ailleurs.
Parmi les derniers de la classe, Alibaba, Calvin Klein, Gap, Nikon ou Visa se retrouvent même à côté de Verisign, le surpuissant registre des noms de domaine en .COM.
Booking est aussi là. Le site de réservation d’hébergement qui a tant fait de publicité pour son booking.yeah (une extension qui n’existe pas !) a juste un nom de domaine en .BOOKING.
Ces marques qui ont abandonné leurs « Brand TLDs »
Dans la dernière édition sur le marché des noms de domaine dans le monde, Loïc DAMILAVILLE de l’Afnic a bien compris que les .MARQUES sont sujets à des abandons :
« Les abandons de nTLD en 2023 ont concerné exclusivement les .Marque, ce qui n’a rien d’étonnant puisque c’est le segment des nTLD qui est le plus soumis aux aléas de la vie des affaires (réorientations dans les stratégies numériques des groupes concernés, changements de marques phares, ou tout simplement créations défensives finalement abandonnées) ».
D’ailleurs, L’Oréal est un exemple de ce désamour. Après avoir postulé pour 15 « new gTLDs », la société française de produits cosmétiques a retiré ses .MARQUES ou cédé des termes génériques qu’elle avait voulu s’accaparer (ex : .BEAUTY).
Ainsi plusieurs « Brand TLDs » sont mort-nés. Le détaillant de vêtements américain Gap a abandonné les .bananarepublic et .oldnavy. Fiat Chrysler a sonné le glas des .abarth, .alfaromeo, .lancia, .fiat ou .maserati.
D’autres entreprises ont revendu leurs extensions (ex : .monster) à des registres privés qui les ont ouverts à tous.
Par exemple, l’éditeur de journaux britannique Guardian News and Media, a vendu sa marque sœur .observer à Identity Digital.
Les frais annuels récurrents d’un « Brand TLD »
Conserver son .MARQUE nécessite des frais annuels d’entretien conséquents. Il y a notamment les frais annuels de l’ICANN (25 000 $), ceux du « Data Escrow », de l’opérateur technique de registre (« OTR ») ainsi que les frais du « registrar » de l’entreprise.
Régler 25 000 $ par an à l’ICANN depuis 10 ans pour avoir un seul nom de domaine actif (et de plus imposé par l’ICANN) comme 36 % des .MARQUES, cela semble onéreux.
Fin 2023, le « Brand Registry Group » (« BRG ») a d’ailleurs écrit à l’ICANN pour s’en plaindre. Les frais de registre fixes actuels de 25 000 $ par an lui apparaissent trop élevés. Il est certain que la plupart des « Brand TLDs » ont peu de noms de domaine et qu’il n’y a pratiquement aucun abus.
Le « BRG » souhaite que les frais de ses membres soient réduits à 5 000 $ par an, lorsque le registre compte moins de 5 000 noms et pas d’abus. Un vœu pieux.
Quels apports d’un « Brand TLD » dans la gestion classique d’un portefeuille de noms de domaine ?
Le fait d’avoir son .MARQUE permet-il de réduire notablement la gestion de son portefeuille existant ? Cela semble être peu le cas.
Tout d’abord, trop peu d’entreprises se sont approprié réellement leurs « dot Brands » pour en tirer des conclusions. Si certains dépôts préventifs ont sûrement été éliminés, c’est notamment devant leur peu d’intérêt, leur prix de renouvellement en constante hausse ou par la souscription à des mécanismes de blocage.
Face à l’anonymisation des « whois », il est impossible de reconstituer exhaustivement des portefeuilles d’entreprise et de contrôler ainsi leur évolution.
Parfois, des acteurs estiment qu’un .MARQUE fait chuter le cybersquatting dans les autres extensions. Ce sentiment n’est pas vérifiable précisément.
Si l’indice des procédures « UDRP » est pris en compte, Leclerc a fait plus de procédures extrajudiciaires en 2023 (8) que les dix dernières années. La société pharmaceutique internationale danoise Lundbeck (273 noms de domaine en .lundbeck tout de même) n’en a jamais fait autant qu’en 2024 avec 10 « UDRP ».
En conclusion, la majorité des .MARQUES sollicité lors du premier round sont peu, voire totalement inutilisées. Pourtant, quelques rares entreprises ont su se les accaparer et profiter des nombreux avantages que propose un « Brand TLD ».
Les futurs candidats à un « dot BRAND » lors d’un prochain round doivent tirer les enseignements de ces premiers retours d’expériences. Seuls les .MARQUES réellement portés par les sociétés savent utiliser cet espace dédié, réservé et sécurisé.
Les atouts des .MARQUES sont nombreux. Une extension personnalisée identifie la marque sur le web et apporte de la confiance et de la sécurité aux internautes.
Si il n’y a pas de projet d’usage autour de son « Brand TLD », il prendra la poussière comme des centaines d’autres avant lui. Une poussière dont le prix pique les yeux.
(*) Étude menée sur les « new gTLDs » qualifiés comme « Brand TLD » par ntldstats.com à l’exception de ceux ouverts à des tiers. Les statistiques ont été collectées le 19 novembre 2024.